La montée en puissance du S&OP, signe d’une intense quête de Résilience au sein des entreprises

Formateur MGCM Academy, Philippe Rechaussat est spécialiste des processus S&OP (Sales & Operations Planning), une méthode qu’il a mise en œuvre au sein de secteurs tels que la pharma, la distribution, l’automobile ou encore le luxe. Il revient pour nous sur ce mécanisme clé des entreprises, encore souvent mal appréhendé et qui conditionne pourtant – plus que jamais – leur compétitivité.

5 mars 2024
Lecture: 5 min
un porte container engagé sur le canal de Panama.
Un porte container engagé sur le canal de Panama. Crédits : Rikin Katyal, Unsplash.

Commençons par un rappel historique. Les processus S&OP et ce qui en découle, Master Production Schedule, Calcul de Besoins et gestion d’atelier, sont apparus à partir des années 80 avec les débuts de la planification industrielle et le MRP2. Toutefois, pendant assez longtemps, très peu d’acteurs le mettaient en place, essentiellement parce qu’ils avaient du mal à convaincre les directions générales de l’utilité d’un S&OP. 

En effet le focus des directions d’entreprises se portait davantage sur les budgets, les revenus, bref la partie financière. Or le S&OP tel qu’il était présenté à l’époque était davantage une balance entre les besoins et les ressources, et cela était souvent perçu comme quelque chose d’un peu ennuyeux, en tout cas peu stratégique.

Mais dès qu’on y a associé la dimension financière – qui en réalité a toujours été présente mais insuffisamment mise en avant – le S&OP a véritablement décollé, de manière cyclique néanmoins. 

Aujourd’hui on constate clairement un engouement qui ne faiblit pas, bien au contraire. Cela s’explique à mon sens par deux facteurs. 

Entre l’offre des grands ERP et celle des pure players, il y a aujourd’hui un écosystème extrêmement dynamique de solutions S&OP, avec des outils qui deviennent vraiment intéressants. On peut désormais aborder le S&OP beaucoup plus simplement qu’à l’époque – pas si lointaine – d’Excel. L’innovation technologique et l’effort porté sur la facilité de déploiement des outils ont incontestablement accéléré la prise de conscience sur l’intérêt du S&OP et consécutivement le déblocage de budgets dédiés. Avant cela il faut le reconnaître, on était souvent dans le bricolage. 

À l’ère post Covid, avec une demande de plus en plus volatile et un enchaînement de crises génératrices d’incertitudes – notamment géopolitiques et climatique – le S&OP devient assez logiquement incontournable. Les entreprises, et plus particulièrement les directions générales, ont plus que jamais besoin d’un outil de pilotage. 

Pour illustrer cela il suffit de constater que les ressources sont de plus en plus difficiles et longues à acquérir, y compris les ressources humaines avec beaucoup de métiers sous tension particulièrement dans l’industrie – tourneurs fraiseurs, préparateurs de commandes, chauffeurs routiers, conducteurs de lignes dans l’agroalimentaires, etc.  

Ainsi un S&OP qui met en évidence une augmentation de la charge de travail permettra d’anticiper avec des plans de recrutement et de formation adaptés. Idem avec l’anticipation des risques : les entreprises qui font appel au transport maritime sont actuellement très embêtées avec le canal de Panama et de Suez – Panama pour des raisons climatiques (sécheresse), Suez pour des raisons géopolitiques (tensions en mer Rouge). Elles doivent ainsi trouver des alternatives pour acheminer leurs produits en Europe. Or ce ne sont pas des choses qu’on peut décider dans l’urgence, du jour au lendemain. C’est typiquement en anticipation de ce contexte qu’il a été décidé par certains industriels et distributeurs d’utiliser le train pour contourner les pénuries de bateaux et de containers en provenance de Chine.

En définitive les nouvelles technologies jouent un rôle essentiel dans l’essor du S&OP, mais peut-être plus encore la nécessité de mettre les gens autour de la table. Car savoir exactement combien on pourra vendre c’est bien, mais si on ne sait pas comment le produire et l’acheminer jusqu’aux clients, c’est embêtant. 

C’est précisément ce que permet le S&OP. 

L’idée de mettre en corrélation les capacités de l’entreprise avec ses ambitions, et de faire travailler les gens en équipe pour atteindre cet objectif, est effectivement un effet induit du S&OP. Avec la finance qui présente les objectifs financiers, puis la production qui les met en rapport avec les capacités et les besoins éventuels pour atteindre ces objectifs. Et à la clé des discussions dans le but d’aligner l’ensemble des parties prenantes sur l’objectif. 

Non effectivement, et le S&OP est à ce titre un point de rencontre essentiel. Une fois par mois la direction générale, la finance, la production, la demande, et, de plus en plus souvent, les ressources humaines, se mettent autour de la table et discutent des plans à moyen et long terme – à partir de M+3 et jusqu’à 18 voire 24 mois. 

Généralement dans les grandes entreprises il s’agit du Manager S&OP, qui travaille en lien étroit avec les directions générale, financière, marketing, commerciale, production et achats, voire logistique, de même qu’avec le Demand Planner pour la partie Demande. C’est un job à temps plein, entre la collecte de données – la donnée de base ou « Masterdata » compte parmi les bases d’un processus S&OP fiable et structuré – la coordination interne, la nécessité de nouer avec l’ensemble des parties prenantes des relations de confiance fondées sur une excellente compréhension des différents métiers, de l’entreprise et de son marché.

Traditionnellement ce sont plutôt au sein des ETI et des grands groupes industriels, y compris des entreprises de distribution, qu’il y a des processus S&OP structurés.

On parle beaucoup du S&OP, particulièrement en ce moment, mais on constate encore trop souvent que la méthodologie est mal comprise, voire dévoyée. Il y a un fort besoin d’acculturation et c’est l’enjeu numéro 1 de la formation, dont le but principal est de donner des clés de compréhension aux personnes qui participent au S&OP dans l’entreprise.

La réflexion en amont d’un projet de déploiement de logiciel S&OP est à ce titre une bonne opportunité de suivre la formation. Les parties prenantes recueillent ainsi des astuces et points de vigilance essentiels pour le choix de la solution et son déploiement dans les meilleures conditions possibles.

Mais ce qu’il faut retenir essentiellement, c’est que le S&OP reste un processus très codifié qu’il est impératif de bien comprendre si on veut en tirer tous les bénéfices. On dit volontiers que son succès repose sur la qualité des données collectées, notamment relatives à la demande, mais il faut d’abord se placer à la bonne échelle et au bon horizon temporel. En l’occurrence on raisonne à l’échelle de la famille ou de la gamme produits, et certainement pas au niveau de l’article comme j’ai souvent pu le constater. Quant à la période de référence on doit se projeter entre M+3 et M+18, or il n’est pas rare de voir des entreprises travailler à des horizons extrêmement courts de quelques jours, voire même 24h ! Cela démontre une profonde méconnaissance de la raison d’être du S&OP et aussi reconnues soient elles, les grandes entreprises n’en sont pas toujours les meilleures ambassadrices.

Or le S&OP est devenu tellement stratégique qu’il me semble essentiel de pouvoir confronter et consolider la méthode avec ses pairs avec, bien sûr, la guidance de formateurs chevronnés qui ont pu l’éprouver dans différents secteurs et contextes. Les gens viennent avant tout chercher cela.

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